Le juge arabe contemporain : Juriste professionnel ou avatar du Cadi ?
Fourth Worldwide Congress of the WSMJJ Lien vers l'événement
26 juin 2015
4e Congrès WSMJJ : « Le chercheur, le professeur, le juge et le juriste dans une juridiction mixte ».
Faculté de droit, Université McGill
Montréal, Canada, 24-26 juin 2015
Programme complet : https://www.mcgill.ca/centre-crepeau/files/centre-crepeau/finale_schedule_22_juin.pdf
Résumé :
Le juge arabe contemporain : Juriste professionnel ou avatar du Cadi ?
Harith Al-Dabbagh
Faculté de droit, Université de Montréal
Pendant des siècles, le système judiciaire dans les pays arabes reposait sur le système de justice cadiale dans lequel le juge musulman, un religieux, rendait ses jugements sur le fondement de la loi islamique (la Charia). Le système se caractérisait par sa simplicité : le cadi statue seul, en premier et dernier ressort, pour tous les litiges en principe. Au milieu de XIXe siècle, lorsque le vent de réformes souffla sur l’empire ottoman, un nouvel ordre judiciaire baptisé tribunaux nizamyeh, fut instauré côte-à-côte avec les tribunaux de la Charia. Ces nouveaux tribunaux, chargés d’appliquer les nouveaux codes inspirés des droits occidentaux, furent composés principalement de juristes professionnels, formés dans les facultés de droit, et non de religieux.
L’émergence des États arabes modernes à la suite du mouvement de décolonisation va conforter cette tendance sécularisatrice. L’étatisation de la justice implique, en effet, la nécessité d’opérer une transition vers une magistrature dite « de carrière ». A partir des années 1950, de nombreux pays (Égypte, Irak, Tunisie, Maroc) procèdent à la suppression des tribunaux religieux et leur remplacement par des juridictions civiles. Le juge arabe devient progressivement un juge professionnel, un juriste formé à la discipline juridique des droits venus d’Occident et assez éloigné du cadi d’antan de formation religieuse.
Toutefois, cette évolution n’ira pas jusqu’à son terme laissant subsister des vestiges de l’ancien système. D’abord, dans certains pays, la justice religieuse est maintenue totalement ou partiellement : des tribunaux de la Charia côtoient des tribunaux modernes. Ensuite, même dans les pays où les tribunaux de la Charia ont été abolis, le juge moderne continue à appliquer la loi religieuse particulièrement dans le domaine du statut personnel. Il peut apparaitre, sous cet angle-là, plus sensible aux données religieuses. Enfin, des voix se lèvent çà et là pour réclamer l’intégration des religieux dans les juridictions suprêmes pour veiller au respect des principes de la Charia par les lois et règlements. Dans tous les cas susmentionnés, le juge arabe contemporain présente des filiations évidentes avec le cadi d’autrefois, fidèle applicateur de la Charia. Il ne bénéficie toutefois pas, du moins officiellement, de ce statut et sa formation juridique rend ses connaissances du droit « divin » plus ou moins approximatives.
La dialectique juge séculier-juge religieux continue donc à caractériser la fonction du juge arabe aujourd’hui, ce qui ne manque pas d’avoir des répercussions sur le fond de ses jugements. Le conférencier propose de mettre en lumière ce « double visage » du juge dans le monde arabe en vue d’évaluer son impact sur la pratique judiciaire, notamment en ce qui a trait à l’activité interprétative du juge.
Ce contenu a été mis à jour le 12 décembre 2016 à 16 h 09 min.