La toge ou le turban ? Le juge constitutionnel d’Irak et l’Islam


Résumé :

À l’image d’autres pays musulmans, le système de justice irakien reposait pendant des siècles sur la justice cadiale musulmane avec des juges issus des rangs des religieux sunnites et chiites. Au début du XX siècle un mouvement de transition vers une magistrature de carrière s’engage. Ce mouvement s’achèvera en 1963 avec la suppression des tribunaux religieux et leur remplacement par des juridictions séculières. Le juge irakien devra désormais être un juriste professionnel rompu à la discipline juridique et non un religieux (cadi) formé dans les écoles de la Charia. Cependant, les bouleversements induits par l’invasion américaine en 2003, vont amorcer un retour en arrière. La Constitution irakienne de 2005 instaure une cour constitutionnelle (la Cour suprême fédérale d’Irak) au sein de laquelle siègeront dorénavant des religieux experts en fiqh. Cette réforme a soulevé une vive controverse sur les qualifications requises pour exercer la fonction juridictionnelle, ce qui a paralysé à l’heure actuelle sa mise en œuvre. Bien qu’elle ne soit toujours pas en vigueur, le conférencier tentera dans le cadre de la présente communication d’entrevoir et de mesurer l’impact potentiel de la réintégration des religieux au sein de la plus haute juridiction du pays sur l’interprétation de l’art. 2 de la Constitution. Ce texte prévoit en effet la nécessité que les lois soient conformes aux préceptes de l’Islam. L’examen montrera que l’interprétation de la Charia par des religieux pourrait être très différentes de celle opérée par des juges de carrière, ce qui se traduit vraisemblablement par l’invalidation de nombreux textes du corpus du droit positif. Les restrictions à la polygamie, l’attribution de la garde à la mère suite à une rupture du mariage et les dommages-intérêts alloués à l’épouse en cas de répudiation abusive, en fournissent une illustration éclatante.

 

Ce contenu a été mis à jour le 28 septembre 2023 à 14 h 26 min.